vendredi 3 juillet 2015

le collège est une jungle

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C'est l'histoire d'un gamin qui a toujours aimé apprendre. 

Curieux, jouant avec les lettres, à 20 mois il pouvait reconnaitre n'importe laquelle et la citer. Il est rentré en maternelle, et forcément, il était comment dire, très en avance.
Un gamin qui a appris à lire tout seul à déchiffrer à 4 ans, et lisait couramment avant 5 ans. Qui a fait promettre à sa maman de ne rien dire à la maitresse lorsqu'à même pas 5 ans il  est rentré en GS car "Maman, les GS ils n'ont pas le droit de lire, on lit quand on a 6 ans et qu'on est au CP".
L'histoire d'une maitresse qui au bout de quelques mois, a découvert le pot au rose et proposé/suggéré/demandé sur le champ qu'il saute une classe et parte au CP.
De parents qui ont pesé le pour et le contre, se sont posés mille questions pour savoir ce qui serait le mieux pour leur petit garçon si intelligent, si curieux, mais si sensible et différent à la fois. Sauter une classe pour qu'il trouve de la "nourriture intellectuelle" et s'épanouisse en classe. Rester dans sa classe, avec des enfants de sa classe, au risque qu'il s'ennuie beaucoup.
Ils ont hésité mais pas longtemps car les avis étaient unanimes et la décision urgente..
Ce p'tit bonhomme a fait un passage éclair en CP puis a intégré le CE1 à la rentrée suivante.
La primaire ne s'est pas trop mal passée, toujours ce décalage avec les autres, la cour de récré, un peu + éprouvante, souvent solitaire, ...mais un enfant heureux en classe, d'un bon niveau scolaire, et puis surtout, très appliqué. Toujours sérieux, respectueux, Presque l'élève modèle, en somme.

C'est alors que ce gamin est rentré en 6ème, en septembre 2014. Il est rentré en 6è, à même pas 10 ans car né en fin d'année, tandis que ses camarades de classe avaient pour la plupart déjà 11 ans bien tassés.
C'est là que les ennuis ont commencé.

Le collège, cette Jungle !

Les premiers jours ont été tout à fait normaux, ce chouette gamin rentrait le soir heureux, découvrant toutes ces nouvelles matières, les professeurs, la variété. Le self et son autonomie. Emballé, enthousiasmé !
Et puis et puis... il a semblé avaler en une seule nuit l'intégralité d'un bouquin particulier, restituant ce savoir dans son milieu familial, de préférence à table lorsque toute l'assemblée pouvait bien l'écouter.

Il a commencé à expliquer que les professeurs se faisaient insulter par certains élèves, et lui demandant si c'était normal, de répondre "bah oui c'est normal", faisant lever les yeux au ciel de sa mère..

Et puis et puis, il a commencé à avoir mal au ventre. Mal en rentrant, à 17h. Mal en se couchant, mal en se levant. A vouloir changer de cartable, parce que celui là, tous ses copains s'en moquaient, comme de sa trousse, de son agenda, "ça fait bébé", toussa toussa...

Il a découvert (et ses parents par la même occasion) que les filles, au collège, ça se battait. Des filles !! Baston de filles de 4è dans la cour de récré, l'une a tellement tapé l'autre que l'autre est tombée par terre , s'ouvrant la joue et l'arcade, pissant le sang par terre. Des fiilles ! De mon temps, il y a 25 ans, au collège, le pire que deux filles pouvaient se faire, c'était (et encore !) se gifler. Sinon, c'était juste s'ignorer (et dire beaucoup beaucoup de mal par derrière, évidemment). Ce gamin qui n'a jamais attaqué personne a découvert que même les filles recouraient à la violence pour régler leurs histoires. Navrant.

Découvert aussi que le collège, c'est un merveilleux laboratoire des relations garçon-fille. Annonçant à ses parents que deux filles de 4ème venaient souvent rôder autour de lui, lui disant qu'il était super mignon, et gentil, etcetera et cetera. Que l'on vienne m'expliquer ce que 2 filles de 14 ans passé peuvent trouver et chercher à obtenir d'un garçon de tout juste 10 ans.

A la maison, un enfant hargneux, agacé, irritable. Donnant l'impression de jouer un rôle, de ne pas être à sa place.

En novembre, alors que toute la tribu familiale déjeunait tranquillement, le gamin a annoncé, entre deux frites et un morceau de poulet, qu'il était frappé dans la cour. Qu'ils étaient 3 gamins contre lui, que ça durait depuis 10 jours, qu'il n'avait pas peur d'eux mais que ça lui faisait quand même bien mal, les coups de pied, les coups de poing. (!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!)

SEs parents n'en ont pas dormi de la nuit et ont eu envie de vomir tout le we. Le lundi, RV a été pris directement avec le Directeur, qui n'a pas laissé trainer cette affaire. Entretien avec l'enfant victime, identification des agresseurs..mise au point.
Ca s'est tassé. Calmé. Arrêté.
Le gamin a repris gout à l'école, est reparti prendre le bus rassuré que la lourde menace soit écartée. En voulant beaucoup à ses parents d'avoir osé raconter tout cela, car lui voulait garder tout ça secret. Ne rien dire, par peur des représailles, ne rien dire par peur que ça soit encore pire après. Mais le Directeur a rondement mené l'affaire et il n'y a pas eu de représailles.

Avril, 2è conseil de classe, des professeurs très satisfaits, un élève agréable, sa mère sent un peu de légèreté, pense que tout va mieux et lui dit...
2ème découverte, non ça ne va pas, en fait depuis des semaines, ses deux copains dans la cour ne font que le taper ! tous les jours, dans le ventre, dans les jambes, des coups de poing, des coups de pied, c'est tellement marrant !
C'est vrai qu'il a des bleus ce gamin mais sa mère n'a pas compris, elle pensait que c'était le vélo, les jeux dehors, les chutes d'un enfant remuant..
Alors une fois ce cauchemar avoué, l'enfant a recommencé à avoir mal au ventre, tout le temps : le matin au réveil, pleurant pour ne pas aller en classe. Le soir en rentrant, disant qu'il avait passé une mauvaise journée. Le soir très tard dans son lit, sans parvenir à s'endormir. Le ventre noué, tout le temps;
A la maison, un enfant comme en pleine crise d'adolescence, en conflit, tout le temps, énervé, "pénible", "agressif", avec lequel même la plus bienveillante des approches ne fonctionne pas....
Bien évidemment , le gamin ne veut pas que ses parents disent quoi que ce soit. Il leur Ordonne de ne rien dire.
Prétend que ce n'est pas grave. Que c'est normal. Et surtout, surtout, préfère continuer à encaisser ces coups car sinon il se retrouvera tout seul dans la cour. Il n'aura plus aucun copain, il sera mal perçu , il s'ennuiera.
Des 3è lui piquent régulièrement son repas à la cantine ? Ne rien dire. Surtout pas. Serrer les dents et espérer que ça passera.
Alors ses parents se demandent que faire, et comment faire. Se posent des milliers de questions.
Décident d'accorder un break à leur enfant, déjà : rester à la maison pour avoir du répit. Ne plus subir les moqueries, les coups, les mauvais tours, le cartable qu'on balance et dans lequel on tape, les insultes,

Le collège est une jungle. Les enfants y entrent à environ 11 ans et demi, et passent à la moulinette; En quelques semaines, tout change, les filles se donnent beaucoup d'allure, parlent de "sortir avec", se passent la main dans les cheveux d'une façon particulière. Les garçons mettent leur sac sur une seule épaule, se préoccupent soudain de leurs chaussures, leur jean, leur pull, leur coiffure, disent des gros mots, trouvent leur mère ringarde, se battent dans la cour, et "s'amusent" à s'insulter à longueur de journée et se frapper. Se moquer. Se charrier.


Depuis quelques semaines, ce gamin dit à ses parents combien il regrette d'avoir sauté une classe. Combien il leur en veut d’avoir pris cette décision. Que ce n'était pas la bonne, que sa place n'est pas en 6ème. Qu'en fait, dans sa tête, dans son coeur, dans ses désirs, il est en CM2. Devrait être encore en CM2, en primaire, à ne pas être assailli par des grands qui cherchent des noises, par des filles qui le trouvent "super mignon", devrait être en primaire à pouvoir parler à sa petite soeur dans la cour et régler leurs problèmes de filles. En primaire, tranquille, avec des préoccupations de son âge.

Ce gamin a loupé un mois d'école, et ses parents sont en plein questionnement sur la suite. Oui d'accord il y avait les vacances scolaires, mais il a raté quand même deux semaines.  Ses parents n'ont même pas pris la peine de raconter des salades, ils ont appelé la Vie scolaire du Collège en annonçant que ce n'était plus possible , que le gosse avait la boule au ventre et qu'il n'était plus capable d'aller jusqu'au collège et encaisser cette maltraitance. Besoin de souffler, d'avoir du répit. A la maison pendant ce répit, un enfant transfiguré, paisible, attentionné et doux, d'une gentillesse qu'on ne lui connaissait plus. Jouant comme il ne l'avait pas fait depuis des mois. Mais le retirer du collège n’est pas une solution, cela ne règle rien. En attendant, il bouillonne, il encaisse, il accumule colère et sentiment d'injustice. Se déprécie, se contient la journée puis explose le soir. Parle de fugue, de mal-être, se trouve "nul" et dit que "personne ne l'aime"

Ce gamin c'est mon Fils aîné

les parents paumés et déconcertés, c'est nous, 
la 6ème, c'est cette année et c'est la descente aux enfers d'un "bon gamin" plutôt sage et pacifique qui a été parachuté dans un monde où il ne trouve pas sa place, un univers trop différent de lui, de ses codes, ses valeurs, un univers pour lequel il est encore trop jeune...
 un monde dans lequel il essaie de s'intégrer, pourtant malgré tout, parce qu'il n'a pas le choix....!
Mais à quel prix ??

Pendant 10 jours, lorsque j'ai écrit ce billet, les choses avaient changé. Grandi Fiston nous disait ne plus être embêté. Que celui qui ne cessait de le taper hier jouait avec lui aujourd'hui. Je ne sais pas, on ne sait pas, on touche du bois, on essaie de rester à l'affut tout en accueillant ces "bonnes nouvelles" et un gamin manifestement plus léger lorsqu'il rentre le soir. Plus souriant, plus détendu, moins accablé. 

On ne crie pas victoire, on ne se dit pas "c'est bon c'est réglé" , on reste vigilants. On verra bien.

(pause dans ce billet, car je ne voulais pas le publier comme ça. Je savais que ce n'était pas fini, je le sentais)


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Epilogue :
Fin mai, nous avons eu un RV très important avec le Principal, qui faisait suite à un mél de ma part où je vidais mon sac et demandais que la situation soit réglée.
Le Principal nous a écoutés, a écouté notre Fils, lui a demandé de parler, lui a raconté que l'amitié , ce n'était pas tout encaisser, que quand on est amis on veille les uns sur les autres, et que si un ami n'est pas bienveillant, on n'est pas obligé de rester avec lui , qu'il y a beaucoup d'élèves dans la cour et qu'il y aurait forcément un autre enfant qui pourrait devenir ami....
Le Principal a convoqué les élèves fauteurs de trouble, les "amis" , les a recadrés, les a intimidés. Remontage de bretelles en règle.
Il a ensuite convoqué un autre élève qui lui, avait furieusement, et gratuitement, giflé Grand Fiston parce qu'il voulait ce qu'il avait dans les mains...2h de colle,

Depuis, nous sommes libérés d'un poids, Grand Fiston n'a plus mal au ventre lorsqu'il se lève le matin, et il s'est fait un nouvel ami.
Un enfant sur qui il veille (tiens donc), un camarade avec qui il veut rester l'an prochain.
Il s'ouvre aussi à d'autres possibilités, d'autres amitiés..Les tous derniers jours, il se découvre des tonnes d'atomes crochus avec un (chouette) garçon de sa classe.

Je suis désolée que vous lisiez ça si votre enfant s'apprête à faire sa rentrée au collège en septembre, je voudrais vous dire que le collège, c'est bien, ça fait du bien aux enfants, je pourrais vous dire que tout va bien aller pour votre futur collégien, mais NON je ne pourrai jamais vous dire ça...
Je peux juste vous souhaiter que tout aille bien, que votre enfant ne vive pas ce qu'a vécu le nôtre et que vivent des milliers d'autres et vous pouvez simplement........espérer .

Epilogue ??

Oui, ça y est cette fois, c'est sûr, c'est l'épilogue : l'école est finie.

Ici, un témoignage poignant

6 commentaires:

  1. Merci pour cet article. Ma grande entrera au collège cette année, j'angoisse déjà...

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    1. Je voulais vous remercier dans le sens merci d'aborder ce sujet là : le harcèlement, la brutalité... au collège.

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  2. Bonjour,
    Votre billet m'a touchée, mon fils qui a maintenant 13 ans et entre en 3ème a un parcours semblable au votre, saut de classe GS, enfant renfermé à l'école et se nourrissant de connaissances... Mais ça s'est mieux passé pour lui, après moultes consultations psys, neuropsys, tests et autres...et scolarisation dans un collège privé, malgré toutes nos convictions concernant le secteur public... Nous nous sommes rapprochés de l'ANPEIP qui nous a bien aidé, et récemment la conférence d'Emmanuelle Piquet sur le harcèlement scolaire nous a fait du bien !
    Si vous souhaitez discuter de tout ça, sans problème pour moi ! Je peux vous donner mon mail perso si vous le souhaitez,
    Courage,
    Stéphanie

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  3. Quel témoignage poignant ! En plus d'être aidé par les adultes, il pourrait être bénéfique pour ce grand bonhomme qu'il élabore ses stratégies personnelles si cela venait à se reproduire afin d'améliorer encore l'estime qu'il se porte et qu'il adopte finalement et naturellement une posture qui fera que les autres ne souhaitent plus s'en prendre à lui.

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    1. oui tu as tout à fait raison gaelle. Notre fils se place systématiquement dans la posture de la victime, que ce soti dans son attitude, ses anticipations, ou son discours. Cela n'aide pas à se faire respecter. ON essaie de lui expliquer, mais ce n'est pas évident pour lui, c'est son schéma

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  4. Sosso,c'est compliqué tout ça... Mon fils aussi savait lire tôt comme le tien... On voulait aussi qu'il saute de classe. on n'a pas voulu car on avait peur de la suite... Ce que tu racontes bien... On pense à tout 'amour qu'on donne au quotidien... A cette envie de les transformer en une personne correcte et nous voila confronté à la réalité dure... Tu sais que je n'ai pas grandi ci... Mes répères ne sont pas ceux des français... Et l'école française m'étonne très souvent... Parce que finalement par vouloir promouvoir l'égalité on a beaucoup du mal à travailler avec ceux qui ne sont pas dans les cases prévues... Pas que les enseignants ne veulent pas... Mais c'est compliqué... Opaque... Quand on lis que 1 gamin sur 4 fume déjà de l'herbe au collège c'est triste...

    courage, mon amie :)
    Sandrine

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